
Ton parcours
Je suis artiste VFX/Monteur. J'ai fait des études de montage, avec une petite ouverture aux effets spéciaux. J'ai ensuite appris en autodidacte la modélisation 3D et l'intégration dans les moteurs en temps réel, pour le jeu vidéo par exemple. J'ai donc pu toucher au cinéma et au théâtre pendant mes études, et au jeu vidéo plus récemment. Même si je ne suis pas scénographe à proprement parler, j'ai pu participer à l'élaboration de décors et d'accessoires pour mon film de fin d'études "L'aventure de César Pétoncle".
Les notions qu'un scénographe doit maîtriser
A mon sens, un scénographe doit savoir se projeter, avoir une vision claire de ce qu'il veut faire de l'espace, tout en étant capable de l'ajuster avec les contraintes et difficultés qui se présentent. D'expérience, on arrive quasiment jamais à coller à sa vision à 100% : il y a toujours des limitations de budget, de temps... etc C'est là que savoir s'adapter et faire des choses avec les moyens du bord peut sauver un projet du naufrage. Des fois, il faut savoir être têtu et ne pas lâcher le morceau !
Il n'y a pas de moitié de film. Il faut rassembler son courage et sa persévérance (pour y arriver)(...) La persévérance est la demeure des dieux. - Werner Herzog

Les grandes étapes du travail d'un artiste VFX et monteur
Je vais parler du montage et des VFX, qui s'étendent sur quasiment toute l'élaboration du film. Pour le montage, les étapes dépendent du projet et de comment on veut s'organiser.
La règle voudrait que le monteur ne commence qu'après le tournage, pour rester neutre sur la valeur du plan (c'est-à-dire le temps et la difficulté à le tourner, pour le pas être tenté de le garder "parce que ça a été difficile"). On trie d'abord les "rushes", les prises brutes, puis on fait un montage simple. Ensuite , on raffine au fur et à mesure des versions, tout en rajoutant le son, les effets spéciaux,etc.... jusqu'a la version finale.
Pour les VFX, on commence à la lecture du scénario pour prévoir certains dispositifs, comme des fonds verts ou des repères pour intégrer des éléments dans l'image, en coordination avec le scénographe. Ensuite, on intègre les effets une fois que le montage est plus défini, pour être sûr que le travail sera intégré au film.
La principale contrainte des deux domaines, c'est le temps. En général, il faut faire des choix délicats dans un temps très limité. On travaille supervisé par le réalisateur en général, même si beaucoup de choix nous reviennent.
Méthodologie & fonctionnement
Même si je travaille principalement après les tournages, je préfère y participer pour prêter main forte et être sûr que les prises sont exploitables. Pour m'y préparer, je prends le temps de me reposer et tout organiser dans ma tête. Un tournage, c'est un marathon de problèmes, et il faut rester alerte pour ne pas laisser les difficultés s'installer. Donc, je pense que bien prendre le temps d'être en forme et alerte est très important pour réussir son tournage.
A qui peux-tu faire appel et où trouves-tu tes ressources/matériaux ?
C'est plutôt une composante importante d'avoir des ressources humaines à portée de main quand on fait des décors, surtout quand on est pris dans son travail et que l'on tombe dans une impasse.
Par exemple, sur "César Pétoncle", j'aidais la personne qui faisait les décors et on avait besoin de faire une déco années 30-40 mais on avait pas le temps de fabriquer quoi que ce soit. Je connaissais un endroit qui est en fait un regroupement de brocanteurs qui avait beaucoup d'objets différents qui pouvaient convenir, donc on a négocié pour les emprunter, et en échange leur faire de la pub. Pour les endroit où trouver des matériaux , ça dépend vraiment de ce que l'on cherche, je n'ai pas à proprement parler construit de décor donc je n'ai pas vraiment de conseils. Je pense que le mieux, c'est de chercher à faire de la récup, ça coûte moins cher (voire gratuit) et ça me parait être le plus simple.
Que fais-tu des éléments du décor une fois un projet fini ?
Je sais pas trop quoi répondre comme je m'occupe plus particulièrement de la partie VFX et montage. En général on prend des photos et on détruit le gros du décor, en gardant une petite partie en souvenir. Ça sert pour son Book.
Peux-tu me donner des exemples de travail que tu as réalisé et m'expliquer les astuces que tu as pu trouver dans certains cas pour résoudre une urgence en amont ou sur le plateau ?
Je vais surtout parler de "César Pétoncle", je pense que ça sera le plus parlant (et le plus riche d'anecdotes) .
J'étais chargé seul de toute la Post-Production Image (Montage et VFX) sans budget avec un délai de 3 à 4 mois. En plus de ça, j'ai aidé à gérer la production, l'élaboration du décor et des accessoires.
On devait faire un film de 40min avec un budget plafonné à 500€. C'est quasiment rien, donc il a fallu être très inventif sur beaucoup de choses, sans parler de tous les problèmes qu'on a pu rencontrer, qui nous ont parfois mis dans des situations très compliquées. Par exemple, l'une des scènes devait se dérouler dans un commissariat. On avait réussi à prendre contact avec une personne qui avait accès au décor de la série Shérif, qui allait être démonté juste après.
Seulement, 2 jours avant de tourner, on s'est retrouvés sans décor pour tourner la scène pivot du film, avec tout le matériel loué et les acteurs (qui venaient pour certains de Paris et avait des impératifs qui les empêchaient de revenir tourner sur Lyon). On a donc tout repensé en une soirée avec le réal et la directrice artistique dans un décor différent (un appartement en camouflant ce qui pouvait vendre la mèche).
On a aussi eu à un moment donné des soucis avec un accessoire, un chariot de vente ambulant. Pour le faire, on voulait faire une structure en bois, mais ça coutait trop cher et le temps manquait. Alors on a pris une table qu'on a recouverte de carton et on a fait passer ça avec un cadrage bien pensé. Et ça a marché.

Qu'est-ce qui te semble le plus difficile dans ton métier et qu'aimes-tu le plus faire ?
Le plus dur dans le montage et les VFX, pour moi, c'est de laisser partir l'image que l'on a du résultat pour ce qui va vraiment apparaitre à l'écran.
Et je pense d'ailleurs que c'est la chose la plus dure tout métier confondu : donner toute son énergie et se rendre compte que l'idée de départ n'apparaîtra jamais à l'écran, parce qu'elle évolue en se confrontant aux complexités de la réalité du projet. Je trouve que ça peut vraiment être une épreuve si on n'est pas préparé, surtout lorsque l'on se heurte à un réalisateur un peu perméable par exemple (même s'il s'avère ne pas écouter les autres, il n'ira pas loin à moins d'être un génie...)
Le mieux pour moi, c'est faire quelque chose qui fonctionne sur le public. Quand on fait un effet spécial et que les gens y "croient", ou que le montage rend drôle une blague, c'est extrêmement gratifiant et encourageant. On a la sensation d'avoir accompli quelque chose et c'est vraiment génial.
Avec l'évolution des technologies et l'essor du numérique, peux-tu nous dire s'il y a des types de projets qui conviennent mieux à un type d'effet spécial (pratique ou numérique) ?
Je pense que pour répondre, il faut revenir à la technique et la base de ce qui fait les forces et faiblesses de ces deux méthodes d'effets spéciaux.
Déjà, en termes de "détails", au sens très "physique" du terme, je pense que le pratique battra toujours le numérique. Le numérique est limité par la résolution du système, c'est-à-dire qu'un modèle 3D, si détaillé soit-il, ne peut pas gérer le changement d'échelle. Par exemple, dans Avengers Endgame, il existe des dizaines de modèles de Thanos, pour la simple et bonne raison qu'il serait impossible de faire un plan rapproché et large avec le même modèle sans avoir soit un modèle absurdement trop détaillé pour un plan large ou beaucoup trop sommaire pour un plan rapproché.
C'est là que le pratique brille, parce qu'il restitue beaucoup plus de détails dans la grande majorité des cas. Là où il y a un hic, C'est que ça coûte plus cher, que ça peut être vite encombrant et chronophage. En plus de ça, le pratique est limité par la physique. On peut faire ce qu'on veut avec le numérique !
Donc pour conclure, ça dépend. Il faut rester critique et se poser les bonnes questions: Est-ce vraiment intéressant de faire avec cette méthode ? A t-on le temps/l'argent ?
Le mieux à mon sens reste de mélanger les deux, en prenant le meilleur chaque fois et ne pas avoir peur d'expérimenter.
Si une personne voulait se lancer dans le métier de scénographe, qu'est-ce que tu aimerais lui dire ? Qu'est-ce que tu aurais aimé savoir et qu'est-ce qui aurait pu te faire gagner du temps/de l'énergie dans l'apprentissage de ton métier ?
Si quelqu'un voulait se lancer dans le métier de scénographe, je lui dirais de toujours essayer et de ne jamais baisser les bras. Même s'il n'y a pas de budget, que le projet est difficile ou nul, qu'importe. C'est comme ça que l'on apprend, en faisant face aux difficultés et en se remettant en question. Il ne faut pas avoir peur de se risquer à des projets parfois complexes, de se mettre en difficulté. On en ressort toujours plus fort si on reste lucide et critique sur notre travail.